« Dans l'invisibilité de la nuit, une mère vient de perdre son quatrième enfant. Arraché à elle à cause de la bêtise des hommes, la stupidité d'une utopie révolutionnaire, la faim et l'épuisement organisés par des illuminés. »
Cette mère est celle de la Noiraude (Navy Soth) dont « Les Larmes Interdites » relatent les années d'enfer au Cambodge suite à la prise du pouvoir par les Khmers Rouges. Elle survivra mais trois de ses frères et sœur succomberont durant le génocide qui fit 1,7 millions de victimes selon le Programme sur le Génocide de l'Université de Yale.
Le livre est poignant car il relate ces quatre années de malheur au travers les yeux d'une enfant. On suit mois après mois la vie de sa famille dont les parents ne baisseront jamais le bras, luttant au quotidien pour protéger leurs enfants physiquement mais aussi, autant que possible, psychologiquement. Ils essaieront de conserver au milieu de l'enfer une bulle familiale leur permettant de préserver un tant soit peu le monde de l'enfance.
Cette histoire est dure, à la hauteur de la brutale cruauté des Kmers Rouge. On suit la Noiraude lorsque les nouveaux maîtres du Cambodge déplacent en masse les populations, font travailler la population jusqu'à la mort, y compris les enfants. Lorsqu'ils exécutent froidement les plus faibles ou les laissent mourir de faim. Ceux qui n'ont plus la force de travailler ne reçoivent plus leur faible ration quotidienne de soupe.
Le fait que ce récit soit celui d'une enfant lui donne une dimension particulière. On souffre avec elle de la solitude car sa famille est régulièrement éclatée en fonction des travaux à réaliser. On s'attache avec elle à ces grillons qu'elle cache et dont elle a fait ses amis. On s'émerveille avec elle de ces lucioles qui lui permettent de s'évader et de garder un pied en enfance. On vit avec elle ce tiraillement entre les sentiments intérieures qu'il faut impérativement cacher sous peine d'être exécutéea et l'indifférence apparente, ces larmes interdites...On partage sa culpabilité à la mort de sœur alors que ses parents étaient aux travaux forcés. On découvre aussi des enfants Khmers imitant leurs parents et martyrisant d'autres enfants. Les rares moment de réconfort étaient lorsqu'elle s'endormait dans les bras de son père ou de sa mère...
Comme pour beaucoup de petites filles, son père était un être à part. Son courage, ses chasses nocturnes au risque de sa vie, sa dignité jusqu'à la mort aidèrent la petite Noiraude à survivre. Il en fut de même de la force de sa mère qui se battit chaque jour pour ses enfants et refusa de s’enfuir plutôt que d'abandonner un des ses fils mourant. L'amour qui unit cette famille au cœur de l'enfer Khmers fut sans doute ce qui permit à la Noiraude, trois de ses frères et sœur et à sa mère de survivre et de traverser la frontière thaïlandaise et trouver enfin la liberté.
On connaît assez bien aujourd'hui les crimes commis par les Khmers Rouge mais l'humanité et l'innocence de la noiraude en fait ressortir mieux que jamais la brutalité mécanique, inhumaine, et la cruauté extrême. Elle nous montre aussi à quel point l'amour qui unit une famille peut sauver la vie d'une enfant...
Le plus : Ce regard d'enfant porté sur l'extrême cruauté du régime des Khmers Rouge. Une page d'histoire à ne pas oublier
Les moins : Rien...
Ma note : 4.5/5
A partir de 15 ans.
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Les Larmes Interdites sur Internet
Navy Soth & Sophie Ansel
Plon
ISBN : 978-2-259-21112-3
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