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dimanche 8 janvier 2012

Les Braises – Sandor Marai – Un excellent huis clos

Ayant lu une très bonne critique de « La Soeur » de Sandor Marai mais souhaitant en savoir un peu plus sur cet auteur, j'ai cherché quels autres livres il avait écrit. C'est ainsi que j'ai découvert « Les Braises » dont l'histoire m'a tout de suite plu. Ce hui-clos entre deux anciens amis arrivés au terme de leur vie m'a immédiatement attiré. J'ai donc quitté ma librairie préférée, non pas avec « La Soeur » mais avec « Les Braises » dont je vais vous dire ici quelques mots...

Le récit relate la rencontre de deux hommes qui furent jadis amis et qu'un événement, que l'on devine dramatique, sépara plus de quarante années plus tôt. Dans les premiers chapitres, nous découvrons la naissance de leur amitié avant de comprendre au cours du huis clos ce qui les éloigna l'un de l'autre et les amena à cette ultime conversation...ou confrontation.

J'ai beaucoup apprécié ce livre. Seuls les auteurs de grand talent peuvent réussir à accrocher autant de lecteur par un scénario construit autour d'un simple huis clos. Le récit de leur rencontre et de leurs années de jeunesse est admirablement bien écrit, mieux encore selon moi que les dialogues de leur confrontation dont l'accroche m'a parfois paru un peu « académique ». « Les Braises » se nourrit de réflexions sur l'amitié, la vie et la mort, l'orgueil et la lâcheté mais aussi sur la musique : « Puisque la musique est indéfinissable, elle doit être dangereuse. Il ne peut en être autrement, puisqu'elle touche, avec une violence incroyable, les personnes qui appartiennent à la même catégorie, non seulement en raison de leur ouïe musicale, mais aussi […] de leur destinée. » Sandor Marai aborde aussi la différence entre ce qui est vécu et ce qui est perçu : « Vers la fin de notre existence, l'ensemble des faits accuse et hurle la vérité plus fort que le supplicié sur le banc de torture. Sans la moindre équivoque possible, un fait est un fait. Et pourtant les faits ne sont parfois que de pitoyables conséquences. » L'essentiel n'est pas de connaître les faits mais ce qui, dans le cœur de l'homme, les a générés. L'auteur évoque tout cela avec beaucoup de finesse et d'élégance.

Quant au scénario, il est assez simple mais tient le lecteur en haleine jusqu'à cette fin qui peut surprendre et laissera peut-être certains un peu sur leur faim. Il permet cependant à l'auteur d'aborder de très belle manière les nombreux thèmes mentionnés ci-dessus. N'est-ce pas là l'essentiel ?

En lisant ce livre, je n'ai pu m'empêcher de faire un lien avec une œuvre cinématographique de très grande qualité : « Le Souper », superbe huis clos d'Edouard Molinaro avec Claude Rich et Claude Brasseur. Si vous avez aimé ce film, vous aimerai certainement « Les Braises »...et la réciproque est vraie.

Le plus : La qualité de l'écriture et de la traduction, un livre qui se dévore plus qu'il ne se lit malgré un scénario apparemment simple...
Les moins : Certains dialogues qui manquent parfois (à mon sens) de naturel...

A partir de 16 ans ou plus tôt pour ceux qui aiment les belles œuvres littéraires...

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Sandor Marai
Le Livre de Poche
ISBN : 978-2-253-93378-6

dimanche 1 janvier 2012

Les Larmes Interdites – Navy Soth & Sophie Ansel – Des vies broyées par les Khmers Rouges

« Dans l'invisibilité de la nuit, une mère vient de perdre son quatrième enfant. Arraché à elle à cause de la bêtise des hommes, la stupidité d'une utopie révolutionnaire, la faim et l'épuisement organisés par des illuminés. »

Cette mère est celle de la Noiraude (Navy Soth) dont « Les Larmes Interdites » relatent les années d'enfer au Cambodge suite à la prise du pouvoir par les Khmers Rouges. Elle survivra mais trois de ses frères et sœur succomberont durant le génocide qui fit 1,7 millions de victimes selon le Programme sur le Génocide de l'Université de Yale.

Le livre est poignant car il relate ces quatre années de malheur au travers les yeux d'une enfant. On suit mois après mois la vie de sa famille dont les parents ne baisseront jamais le bras, luttant au quotidien pour protéger leurs enfants physiquement mais aussi, autant que possible, psychologiquement. Ils essaieront de conserver au milieu de l'enfer une bulle familiale leur permettant de préserver un tant soit peu le monde de l'enfance.

Cette histoire est dure, à la hauteur de la brutale cruauté des Kmers Rouge. On suit la Noiraude lorsque les nouveaux maîtres du Cambodge déplacent en masse les populations, font travailler la population jusqu'à la mort, y compris les enfants. Lorsqu'ils exécutent froidement les plus faibles ou les laissent mourir de faim. Ceux qui n'ont plus la force de travailler ne reçoivent plus leur faible ration quotidienne de soupe.

Le fait que ce récit soit celui d'une enfant lui donne une dimension particulière. On souffre avec elle de la solitude car sa famille est régulièrement éclatée en fonction des travaux à réaliser. On s'attache avec elle à ces grillons qu'elle cache et dont elle a fait ses amis. On s'émerveille avec elle de ces lucioles qui lui permettent de s'évader et de garder un pied en enfance. On vit avec elle ce tiraillement entre les sentiments intérieures qu'il faut impérativement cacher sous peine d'être exécutéea et l'indifférence apparente, ces larmes interdites...On partage sa culpabilité à la mort de sœur alors que ses parents étaient aux travaux forcés. On découvre aussi des enfants Khmers imitant leurs parents et martyrisant d'autres enfants. Les rares moment de réconfort étaient lorsqu'elle s'endormait dans les bras de son père ou de sa mère...

Comme pour beaucoup de petites filles, son père était un être à part. Son courage, ses chasses nocturnes au risque de sa vie, sa dignité jusqu'à la mort aidèrent la petite Noiraude à survivre. Il en fut de même de la force de sa mère qui se battit chaque jour pour ses enfants et refusa de s’enfuir plutôt que d'abandonner un des ses fils mourant. L'amour qui unit cette famille au cœur de l'enfer Khmers fut sans doute ce qui permit à la Noiraude, trois de ses frères et sœur et à sa mère de survivre et de traverser la frontière thaïlandaise et trouver enfin la liberté.

On connaît assez bien aujourd'hui les crimes commis par les Khmers Rouge mais l'humanité et l'innocence de la noiraude en fait ressortir mieux que jamais la brutalité mécanique, inhumaine, et la  cruauté extrême. Elle nous montre aussi à quel point l'amour qui unit une famille peut sauver la vie d'une enfant...


Le plus : Ce regard d'enfant porté sur l'extrême cruauté du régime des Khmers Rouge. Une page d'histoire à ne pas oublier
Les moins : Rien...

Ma note : 4.5/5
A partir de 15 ans.

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Les Larmes Interdites sur Internet
Navy Soth & Sophie Ansel
Plon
ISBN : 978-2-259-21112-3