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dimanche 18 avril 2021

Des jours sauvages de Xavier Molia - Dérangeant

Une centaine de personnes ayant fui une grippe qui ravage l’Europe se retrouvent naufragés sur une île déserte. Quel que soit leur passé, ils vont apprendre à vivre ensemble et à s’adapter à leur nouvel environnement d’autant plus facilement que cette terre au milieu de l’océan est accueillante : il suffit de tendre la main pour y trouver eau douce et nourriture. Cette mécanique va pourtant se gripper tandis que l’espoir d’une arrivée rapide des secours s’évanouit peu à peu. Des tensions naissent alors entre ceux qui voient l’île comme l’occasion de créer une autre vie loin de la grippe qui ravage l’Europe et ceux qui souhaitent la quitter au plus vite. L’animosité entre les deux groupes ne va cesser de s’amplifier avec des conséquences dramatiques…

 

L’intrigue est intéressante et se démarque des classiques scénarios de survie : il ne s’agit pas de la lutte d’hommes et de femmes contre une nature hostile qu’ils essaient de fuir, mais du conflit entre ceux qui imaginent pouvoir construire une nouvelle société en repartant de zéro et ceux qui espèrent retrouver rapidement leur pays d'origine. Ceux-ci sont alors perçus comme un danger, car ils risquent de révéler au monde ce sanctuaire, embryon d’un monde différent. Le lecteur va donc assister à l’inconsciente descente aux enfers de ces naufragés que la folie ou le rêve délirant de certains va conduire à commettre les pires atrocités au nom du progrès.

 

Après avoir tourné la dernière page de ce livre, j’ai un sentiment partagé. D’un côté, je n’ai pas été conquis par le style, notamment les « flashbacks » pas toujours identifiables ou les incises d’un inconnu qui intervient brièvement de temps à autre sans que cela n’apporte rien au récit si ce n’est de la confusion. De l’autre côté, j’ai souvent voulu connaître l’issue du drame qui se jouait sur ce confetti perdu au milieu de l’océan et j’ai donc prolongé ma lecture. Avec le recul, je pense qu’il manque à l'histoire une dimension importante, la dimension verticale, spirituelle oserais-je dire. Les personnages, si nombreux qu’on s’y perd un peu dans les premiers chapitres, manquent d’épaisseur, de caractères, de complexité. Les drames s’enchaînent trop simplement, trop logiquement en raison du manque d’humanité des acteurs de cette tragédie. La barbarie prend vite le pas sur la dignité humaine au sein des survivants. On pense alors aux limites des slogans ambiguës comme « La liberté des uns s’arrête où commence celle des autres » ou à cette citation de Karl Marx : « Toute classe qui aspire à la domination doit conquérir d’abord le pouvoir politique pour représenter à son tour son intérêt propre comme étant l’intérêt général ». D’une certaine manière, on voit au fil des pages se créer un micro-État soviétique et apparaître la cohorte d’atrocités qui l’accompagne. Au fil des changements des règles du « vivre ensemble » sur l’île, la conscience de ses habitants va se déliter et la situation ne va cesser que de dégénérer. Je ne dirai rien du dénouement si ce n’est qu’il est tristement réaliste et interroge sur l’état de notre société. C’est en cela que ce livre est dérangeant.

 

Je reste donc sur ma faim. Xavier Molia a pris un risque en s’attaquant à un thème rendu célèbre par Sa Majesté des Mouches de William Golding. Son approche originale du sujet aurait pu lui permettre de se démarquer, mais son récit est trop linéaire et ses personnages manquent de profondeur et de complexité pour apporter ce supplément d’âme…

 

 

Les plus : Une approche originale du thème des survivants, un réalisme dérangeant, une barbarie humaine plus évoquée que décrite, …

 

Les moins : Des personnages trop superficiel, un manque de profondeur dans le récit

 

Ma note : 6/10

 

Pour Adultes

 

Contrôle Parental :

Sexe et nudité : #

Violence et sang : #

Langage et caractère offensant : #

Alcool et drogue : #

Effrayant et scènes intenses : #

 

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ISBN : 978-2021460070

Editions Le Seuil

samedi 10 avril 2021

L’attaque du Calcutta-Darjeeling d'Abir Mukherjee - Un excellent premier roman

Si vous aimez les romans policiers et souhaitez quitter les sombres rues londoniennes et voyager vers l’orient, ce livre est fait pour vous ! Étant bien moins doué que l’auteur pour cela, je ne ferai pas durer le suspense : J’ai beaucoup apprécié cette première enquête du capitaine Sam Wyndham.

Fraîchement arrivé en Inde après avoir survécu aux sanglantes batailles de la Première Guerre mondiale, notre policier est chargé d’une investigation extrêmement délicate : un haut fonctionnaire britannique a été assassiné alors que des émeutes éclatent dans certaines provinces du pays. Est-ce un assassinat politique ? Ou plus simplement un règlement de compte dans les hautes sphères du gouvernement ? La situation se complique encore suite à l’étrange attaque du train Calcutta-Darjeeling. Le représentant de Sa Majesté devra enquêter en eau trouble aidée par un officier indien récemment sorti de l’école de police et tiraillé entre son devoir et son pays. Ce premier roman est vraiment une belle réussite. Plusieurs raisons à cela… 

La qualité de l’intrigue tout d’abord. De facture classique, elle n’en est pas moins intéressante, de nombreux individus pouvant en vouloir à la victime pour des motivations très différentes. Politique en raison d’un étrange message trouvé dans le bouche du cadavre, économique du fait du rôle influent du dignitaire dans l’activité de la colonie, personnelle aussi, le sahib ayant été égorgé non loin d’une maison de passe dans un quartier mal famé de Calcutta.

 

Les personnages ensuite qui participent aussi au plaisir de lire. Le héros a quitté l’Europe pour essayer d’écrire un nouveau chapitre de sa vie frappée de plein fouet par la Grande Guerre. Il ne semble n’appartenir à aucun monde et porte un regard décalé sur ce peuple singulier qu’il découvre. Les rôles secondaires sont tout aussi intéressants. Je pense au sergent Banerjee qui fait équipe avec Sam Wyndham et hésite sur la manière d’aider son pays de cette période incertaine. Discret, son humour fait mouche et fait souvent naître un sourire aux lèvres du lecteur. Je pourrai aussi citer le pasteur protestant ami de la victime ou encore l’indépendantiste suspecté du meurtre.

 

L’Inde enfin, élément essentiel de l’intrigue que l’on découvre au fil des pages : chaleur étouffante, paysages colorés, plantations de thé… La région est sous domination britannique depuis 1757 englobe à l’époque le Pakistan et le Bangladesh. Des tensions apparaissent entre les indigènes et les Anglais qui portent sur le pays un regard avant tout économique. La complexité du contexte historique influe largement sur la trame du récit et lui donne une richesse supplémentaire. L’auteur et su éviter la caricature dans la description de cet Empire britannique en déclin même si peu d’Anglais trouvent grâce à ses yeux. C’est un exercice pas facile qu’a par exemple aussi réussi Fabien Claw dans les aventures du capitaine Gilles Bellemonte qui se déroulent peu de temps après la Révolution française et dont je vous ai parlé dans cette chronique.

 

L’attaque du Calcutta-Darjeeling se lit donc avec beaucoup de plaisir. Ses nombreuses facettes lui permettent de se démarquer des multiples romans policiers qui inondent les librairies chaque année, souvent plus sombres les uns que les autres. Alors ce premier tome ne sera pas le dernier à trouver sa place sur ma table de nuit…

 

Les plus : Un dépaysement certain, un contexte historique peu connu, des personnages attachants, de l’humour, une enquête de facture classique, mais plus complexe qu’il n’y paraît

 

Les moins : Peu de chose… La dépendance à l’opium du personnage principal ?

 

Ma note : 9/10

 

Pour Adultes et Adolescents

 

Contrôle Parental :

Sexe et nudité : #

Violence et sang : #

Langage et caractère offensant : #

Alcool et drogue : #

Effrayant et scènes intenses : #

 

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ISBN :  978-2072914706

Editions Folio