Avec Le club des métiers bizarres, il nous offre une série de six courts récits étranges et décalés. Dans chacun d'entre eux, le narrateur et son ami le juge Basil font diverses rencontres qui les amène à observer des situations "bizarres" ou loufoques mais toujours cocasses : une captive séquestrée qui refuse d'être libérée, un linguiste qui ne pipe plus un mot et ne s'exprime que via un étrange madison pédestre, des locateurs d'arbres, etc. Chaque récit fait intervenir à la fin une explication (presque) rationnelle au nœud loufoque qui constitue le récit et introduit chaque fois un membre de ce "club des métiers bizarres", que le narrateur ne découvre au complet qu'au terme du recueil.
L'idée de départ, en dehors des petites mésaventures racontées avec le style truculent que l'on connaît à l'auteur, est ce "club" dont les critères d'admission sont d'exercer une profession (entendez : une activité qui fournit un revenu) que jamais personne d'autre n'ait approchée de près ou de loin puis réussir à en vivre sans appoint. Et après 40 000 ans d'activité humaine sur cette terre, il faut bien l'imagination délirante de Chesterton pour imaginer des activités encore vierges (et dont on puisse tirer une bonne histoire !) à mettre en scène. Et de fait, le pari est relevé avec brio, les six récits se lisent avec agrément, le style est élégant mais sobre, plein de la retenue affectée à l'origine de l'humour pince-sans-rire britannique dont Chesterton fait usage correct. Il faut aussi tenir compte des nombreuses réflexions qui émaillent le texte et renforcent son humour, son intérêt, voire sa profondeur, sur divers tendances du monde moderne, de certains individus, ou de la société anglaise, et qui ont considérablement accru le plaisir que j'ai eu à lire Le Club des métiers bizarres.
S'il ravira certains, le livre ne satisfera probablement pas tout le monde. À noter peut-être : le ton du narrateur, les inégalités, parfois, entre les différents "métiers bizarres" en terme de qualité et de comique, et le nombre des six récits qui pourra ou laisser le lecteur sur sa faim ou lasser son intérêt pour ce concept original. En effet, les histoires peuvent sembler un peu décousues et n'aboutir qu'à un dénouement "global" décevant pour certains − il s'agit de plusieurs récits autonomes sinon indépendants et non d'un roman − à l'inverse ceux qui comme moi seront tombés sous le charme de ces cocasses mésaventures seront déçus que la conclusion du livre l'achève sur le tableau peut-être un peu maigre de six "métiers bizarres" : on a le sentiment qu'il y aurait d'autres potentialités loufoques dans d'autres directions encore.
Cela dit, j'ai beaucoup apprécié le livre, qui reste pour moi un inclassable classique de ce genre d'humour comme de Chesterton, et qu'on relira avec plaisir.
Les plus : Une idée de départ intrigante et originale, bien exploitée, une ambiance bizarre et loufoque pour qui aime ce genre d'humour, un ton agréable qui se veut par derrière délicieusement ironique pour un texte qui ne s'éloigne pas trop du style Sherlock Holmes et enfin un volume de pages pas trop épais… Une lecture de vacances.
Les moins : un nombre d'intrigues qui semblera insatisfaisant à certains, un risque de fatigue pendant la lecture, des récits peut-être inégalement intéressants. Un livre qui rend fan ou laisse un peu tiède. (Je suis du côté des fans.)
Ma note : 7/10
Pour adolescents comme adultes
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